Social
Travail dissimulé
Risque de travail dissimulé pour l'employeur qui fait appel à un auto-entrepreneur avec qui il a un lien de subordination
Lorsque le statut d'auto-entrepreneur est requalifié en contrat de travail à l'égard d'une entreprise, le risque de poursuites pour travail dissimulé est important. L'employeur ne pourra pas prétendre que le seul recours à un contrat « inapproprié » avec ce travailleur excluait toute intention de commettre cette infraction.
Une entreprise conteste sa condamnation pour travail dissimulé en écartant tout élément intentionnel
Une entreprise a conclu une convention de mandat avec un travailleur.
Mais 8 mois plus tard, ce cocontractant informe l’entreprise qu'il souhaite rompre la relation contractuelle.
S'estimant en réalité salarié cette entreprise, le cocontractant a saisi les juges d'une demande de requalification de la convention en contrat de travail et du paiement d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Jugeant la demande fondée, les juges ont alors notamment condamné l’entreprise à payer à cette personne une somme à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, comme le prévoit le code du travail dans ces circonstances (c. trav. art. L. 8223-1).
Remettant en cause sa condamnation pour travail dissimulé, l’entreprise a soutenu que ce délit requiert un élément intentionnel qui ne pouvait ici se déduire du seul recours à un contrat inapproprié.
Il y a un risque de travail dissimulé lorsque la relation de travail avec un auto-entrepreneur est requalifiée en contrat de travail
Un employeur peut être poursuivi pour travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié s’il s’est se soustrait « intentionnellement » à l’accomplissement (c. trav. art. L. 8221-5) :
-de certaines formalités telles que la déclaration préalable à l’embauche, la remise des bulletins de paie avec mention du nombre d’heures de travail réellement accomplies ;
-des déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale.
À cet égard, les personnes régulièrement immatriculées (comme les auto-entrepreneurs), et qui sont censées être des travailleurs non-salariés, peuvent voir cette présomption de non-salariat tomber si l’existence d’un contrat de travail est établie. Cela se produit généralement lorsqu'elles parviennent à démontrer qu'elles ont en réalité un lien de subordination juridique permanent avec l’entreprise concernée (c. trav. art. L. 8221-6 ; cass. 2e civ. 28 novembre 2019, n° 18-15333 FPPBI).
Dans un tel contexte, comment sont caractérisés les éléments matériel et intentionnel de l’infraction de travail dissimulée ?
Faire appel à un auto-entrepreneur alors qu'il s’agit d’une relation salariée caractérise l’intention de se soustraire aux déclarations obligatoires
Dans une décision du 3 septembre 2025, la Cour de cassation nous éclaire sur les éléments qui caractérisent l’infraction de travail dissimulé lorsque le travailleur avait un statut d’auto-entrepreneur qui cachait en réalité, pour les juges un contrat de travail.
L’élément matériel de l’infraction de travail dissimulé résulte ici de la simple absence de toute déclaration relative à l'embauche, aux salaires et cotisations sociales et de toutes les formalités afférentes au travail salarié pendant toute la période de la relation de travail.
L’élément intentionnel qui caractérise une réelle volonté de l’employeur de commettre l’infraction, résulte selon les juges, du fait même que l’employeur s’est soustrait aux déclarations obligatoires relatives aux salaires et aux cotisations sociales assises sur ceux-ci en choisissant de soumettre le travailleur à un statut d'indépendant, alors même qu'il existait en réalité une relation salariée.
Ainsi, en faisant appel volontairement à un travailleur sous le statut d'auto-entrepreneur, l’entreprise a en réalité cherché à s'exonérer de toutes les obligations liées à un contrat de travail.
Cela vaut intention de dissimuler du travail salarié. Et l’employeur ne peut, en aucun cas, se dédouaner en soutenant qu'il avait simplement eu recours à un contrat « inapproprié ».
Cass. soc. 3 septembre 2025, n° 24-13180 FD