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Démission

Une démission suite à une surcharge de travail connue de l'employeur peut être requalifiée en prise d’acte

La démission d'un salarié doit être claire et non équivoque. Celle en réalité fondée sur une surcharge de travail devenue insupportable pour le salarié et signalée à plusieurs reprises à son employeur, peut alors être requalifiée en prise d'acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La volonté de démissionner du salarié doit être claire et non équivoque

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

En cas de contentieux relatif à une démission, le juge doit vérifier si, au moment où elle a été donnée, elle résultait bien d’une volonté du salarié de mettre fin au contrat de travail (cass. soc. 9 mai 2007, n° 05-40315, BC V n° 70 ; cass. soc. 28 novembre 2012, n° 11-20954 D).

Il doit, à cet égard, se prononcer en examinant les circonstances antérieures ou contemporaines de la démission.

Lorsque les faits invoqués par le salarié justifient effectivement la rupture du contrat en raison de manquements imputables à son employeur, celle-ci s’analyse alors en une prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans le cas contraire, la rupture produira bien les effets d’une démission.

Mais qu’en est-il lorsque le salarié invoque une surcharge de travail pour justifier le caractère équivoque de sa démission ?

Un salarié soutient que sa démission, due à une surcharge de travail, était équivoque

Un salarié administrateur réseau disposait d’un avenant à son contrat de travail indiquant que : « la rémunération fixée au présent contrat de travail a été convenue compte tenu de la nature des fonctions et des responsabilités qui vous sont confiées et restera indépendante du temps que vous consacrerez de fait à l'exercice de ces fonctions ».

Une vingtaine d’années après son embauche, le 19 avril 2021, le salarié a démissionné puis a saisi la juridiction prud'homale en demandant notamment que soit prononcée la requalification de sa démission en une prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié soutenait que sa démission étant en réalité due à une surcharge de travail devenue insupportable, et qu'il avait signalé à plusieurs reprises à son employeur.

Selon la cour d’appel la surcharge de travail ne constituait pas une circonstance suffisante

Dans cette affaire, la cour d’appel avait jugé la démission du salarié claire et non équivoque tout en reconnaissant la surcharge de travail invoquée.

Pour les juges, la surcharge de travail, qui existait depuis de nombreuses années, ne constituait pas une circonstance contemporaine et déterminante de la démission, rendant impossible la poursuite du contrat de travail, ce qui est la définition même d’une prise d’acte aux torts de l’employeur.

Pour la Cour de cassation une surcharge de travail signalée à l’employeur peut rendre la démission équivoque

La Cour de cassation a émis un jugement à l’exact opposé. Elle constate que le salarié avait, préalablement à sa démission :

-fait état de l'importance de sa charge de travail lors des examens médicaux réalisés pour le contrôle de la santé au travail,

-alerté sa hiérarchie par un courriel du 10 octobre 2019 sur sa situation critique du fait de cette charge de travail devenue insupportable,

-sollicité une visite du médecin du travail le 24 octobre 2019 en signalant un contexte de surcharge de travail,

-exposé, lors de l'entretien individuel d'évaluation annuelle ayant eu lieu le 2 février 2021 et dans ses commentaires annexés du 22 mars 2021, que l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle n'existait pas, que son périmètre d'intervention, trop vaste, sur différents fuseaux horaires et sans « back-up », entraînait une charge mentale très élevée et permanente, mal vécue personnellement.

La cour d’appel aurait dû déduire de tous ces éléments l'existence d'un différend rendant la démission équivoque.

L’affaire est donc cassée et renvoyée devant une autre cour d’appel.

Cass. soc. 13 novembre 2025, n° 23-23535 FD