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Le bénéficiaire effectif pourrait rester confidentiel dans des situations à risque
Aux termes d'un projet de loi déposé au Sénat le 10 novembre 2025, une personne déclarée comme bénéficiaire effectif pourrait demander à rendre confidentiel son identité ou ses coordonnées personnelles si leur publication l'expose à un risque disproportionnée de fraude ou encore si elle est mineure ou majeure protégée.
La diffusion actuelle des informations sur les bénéficiaires effectifs
Les personnes ayant accès aux informations. - Sont tenus de déclarer leurs bénéficiaires effectifs, c’est-à-dire, les personnes physiques qui possèdent, contrôlent ou représentent l'entité concernée, les sociétés immatriculées au registre du commerce et des sociétés ainsi que les associations, fondations, fonds de dotation et fonds de pérennité.
Les renseignements permettant d'identifier les bénéficiaires effectifs sont inscrits sur un registre dédié et sont accessibles :
-soit de façon intégrale, pour les sociétés ou entités déclarantes ainsi que pour certaines autorités (agence française anticorruption, Cour des comptes, parquet européen, agents de la direction du trésor, etc.) ou encore pour les professionnels assujettis à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (expert-comptable, commissaire aux comptes, avocat, etc.) (c. mon. et fin. art. L. 561-46) ;
-soit de façon restreinte, pour les personnes justifiant d’un motif légitime au titre de la lutte contre le blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme (voir notre actu du 6/05/2025, « Le libre accès au registre des bénéficiaires effectifs, c'est fini ! » : https://www.revue-fiduciaire.com/actualite/article/le-libre-acces-au-registre-des-beneficiaires-effectifs-c-est-fini) (c. mon. et fin. art. L. 561-46-2).
Les informations consultables. - L'accès au registre des bénéficiaires effectifs est gratuit et comprend les indications suivantes :
-pour les personnes ayant un accès restreint, les nom, nom d’usage, pseudonyme, prénoms, mois et année de naissance, l’État de résidence et nationalité des bénéficiaires effectifs ainsi que la nature et l’étendue des intérêts effectifs qu’ils détiennent dans la société ou entité (c. mon. et fin. art. L. 561-46-2) ;
-pour les personnes ayant un accès intégral, tous les éléments d’identification des bénéficiaires effectifs, y compris leur domicile personnel (c. mon. et fin. art. L. 561-46).
Une dérogation envisagée pour assurer la protection de personnes en situation de vulnérabilité
Les personnes protégées. - Afin de transposer la 6ème directive européenne anti-blanchiment (Directive UE 2024/1640 du 31 mai 2024), un nouveau projet de loi envisage de rendre confidentiel les informations personnelles relative à un bénéficiaire effectif dans les cas suivants :
-lorsque la divulgation de ces informations exposerait le bénéficiaire effectif à un risque disproportionné de fraude, d’enlèvement, de chantage, d’extorsion, de harcèlement, de violence ou d’intimidation ;
-lorsque le bénéficiaire effectif est un mineur ou un majeur jouissant de certaines mesures de protection juridique (curatelle, tutelle ou habilitation familiale).
Une exemption sur demande. - La confidentialité ne s'opérerait pas automatiquement et nécessiterait une demande de la personne concernée ou, le cas échéant, du représentant légal pour le mineur ou de la personne chargée de la mesure de protection pour le majeur protégé.
La demande, portant sur tout ou partie des informations concernant le bénéficiaire effectif, devrait être adressée en ligne par l'intermédiaire du Guichet unique. Le greffier compétent statuerait ensuite sur cette demande et pourrait ultérieurement mettre fin à cette dérogation si les conditions ne lui apparaissent plus remplies.
L'étendue de la mesure de confidentialité. - L'occultation des données sur les bénéficiaires effectifs serait opposable :
-d'une part, aux personnes justifiant d'un intérêt légitime disposant d'un accès limité au registre des bénéficiaires effectifs ;
-d'autres part, aux professionnels assujettis à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Ainsi, la confidentialité ne s'appliquerait pas pour les autres autorités disposant d'un accès intégral.
Le délai d'application. - Le projet de loi, qui sera soumis au Sénat et à l’Assemblée nationale, prévoit que cette mesure entrerait en vigueur le 10 juillet 2026 (date butoir du délai de transposition fixé par la directive). Notons que certaines modalités devraient être précisées par décret.
Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes, déposé au Sénat le 10 novembre 2025, art. 11
