Patrimoine
Placements financiers et droits sociaux
Manquement de la banque à son obligation de vigilance en présence d’anomalies apparentes « aisément » décelables
Le banquier, tenu à une obligation de ne pas s’immiscer dans les affaires de son client, ne doit l’alerter qu’en présence d’anomalies apparentes aisément décelables par un professionnel normalement diligent. La seule circonstance que les virements soient à destination de l’étranger ne suffit pas à caractériser une anomalie apparente.
Les faits : des virements à destination de l’étranger en faveur d’un nouveau bénéficiaire
Une comptable salariée de la SAS A, dûment habilitée à cet effet, avait transmis à la banque de celle-ci un ordre de virement à destination d’un compte ouvert dans les livres d’une banque en Hongrie dont le RIB avait été enregistré en même temps que l’ordre de virement.
Soutenant que sa salariée avait été trompée par un courriel d’un interlocuteur se faisant passer pour le président de la SAS A, cette dernière a assigné la banque en responsabilité pour manquement à son obligation de vigilance et en paiement de dommages et intérêts.
Condamnée à payer à la SAS A une certaine somme à titre de dommages et intérêts, la banque se pourvoit en cassation.
Manquement à l’obligation de vigilance de la banque : uniquement en présence d’anomalies apparentes aisément décelables
Après avoir retenu que les opérations litigieuses avaient été autorisées, il s’agissait de savoir si la banque avait commis ou non un manquement à son obligation contractuelle de vigilance conformément au droit commun de la responsabilité contractuelle prévu à l’article 1231-1 du code civil.
Pour la Cour de cassation, le devoir de vigilance du banquier lui impose seulement de déceler les anomalies apparentes de l’opération de paiement qu’il lui est demandé d’exécuter sans avoir à s’ingérer dans les affaires de son client.
Aussi, le banquier ne doit alerter son client qu’en présence d’anomalies aisément décelables par un professionnel normalement diligent.
À cet égard, en retenant que le virement de 231 078 € en faveur d’un établissement hongrois, pays avec lequel la société n’avait aucune activité et jusque-là aucun flux financier, présentait un caractère manifestement anormal au regard des opérations habituelles alors que la société avait déjà procédé à un paiement non contesté de 146 283 € à destination de la Belgique au profit d’une société qui ne faisait pas partie non plus de ses bénéficiaires habituels, les juges d’appel n’ont pas caractérisé l’existence d’anomalies apparentes.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel.
À noter : dans deux autres arrêts rendus le 19 novembre 2025, la Cour de cassation s’est également prononcée dans un sens favorable à la banque en retenant que :
-la secrétaire comptable de la société ayant été habilitée par convention à créer des bénéficiaires nationaux et internationaux et à réaliser des virements externes sans limite de montant, la banque ne pouvait être tenue responsable des ordres de virement litigieux par fraude au président (cass. com. 19 novembre 2025, n° 24-19776) ;
-le seul motif que les virements litigieux présentaient un caractère inhabituellement exceptionnel au regard des pratiques commerciales et bancaires de la société était insuffisant à caractériser une anomalie apparente des ordres de virements (cass. com. 19 novembre 2019, n° 24-18534).
Pour aller plus loin :
L’essentiel du patrimoine privé, « 8 - Dépôt et comptes bancaires »
Cass. com. 19 novembre 2025, n° 24-17780
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