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Assurance-vie multisupport

L'assureur ne peut pas modifier unilatéralement l'offre de supports en vue de priver une clause d'arbitrage à cours connu de son intérêt et de limiter ses coûts

Un particulier a souscrit un contrat d’assurance-vie multisupport (en unités de compte) comportant une clause d’arbitrage dite « à cours connu » qui lui permettait d’arbitrer entre différents supports financiers, sur la base des cours de la bourse de la semaine précédente, et de connaître par avance le résultat de l’arbitrage. Par cette clause d’arbitrage à cours connu, le souscripteur encaisse la plus-value réalisée et l’assureur prend à sa charge la perte. Le contrat multisupport contenait une clause qui précisait que la liste et le nombre de supports financiers sont susceptibles d’évoluer.

L’assureur a modifié la liste des supports financiers éligibles à l’arbitrage en remplaçant les fonds les plus risqués (actions) par des fonds moins risqués (obligations). Et il a proposé au souscripteur de signer un avenant de renonciation à la clause d’arbitrage à cours connu mais d’avoir accès à une liste de supports plus étendue. Le souscripteur n’a pas donné suite à cette proposition et a passé un ordre d’arbitrage vers un support utilisé précédemment. L’assureur a refusé cet ordre d’arbitrage. Le souscripteur l’a donc assigné en réparation du préjudice subi du fait de ce refus.

Pour les juges, l’assureur a commis une faute en dénaturant le contrat souscrit. Selon les juges, l'assureur n'était pas fondé à faire évoluer la liste des supports financiers du contrat d'assurance-vie, sauf à établir que le maintien de la liste originaire de supports l'aurait placé dans une situation de péril économique ou aurait nui aux autres souscripteurs. L'exercice abusif par l'assureur de sa faculté contractuelle de modifier la liste des supports financiers éligibles du contrat comportant une clause d'arbitrage à cours connu a constitué une dénaturation du contrat, lui faisant perdre son intérêt pour l’assuré.

Pour la Cour de cassation, la clause d'arbitrage à cours connu et la diversité des supports éligibles sont des conditions essentielles de l'engagement de l'assuré. S'il n'est pas stipulé que l'assureur s'engage à maintenir la liste des supports initialement proposés, l'économie du contrat exige que des supports diversifiés comparables en nombre et en nature à ceux existant lors de la souscription, soient proposés à l'assuré à l'occasion de chacune des demandes d'échange.

En l’espèce, la liste des supports proposait 11 supports dont 2 fonds composés notamment d'actions et 2 fonds orientés vers les actions. L'assureur a réduit ce nombre à 9 et supprimé les fonds les plus spéculatifs (en actions). En faisant disparaître les fonds les plus spéculatifs au profit de fonds essentiellement orientés vers les obligations qui présentaient un caractère spéculatif moindre, l'assureur a dénaturé le contrat. L'assureur ne démontrait ni que le maintien d'une offre de supports diversifiée l'aurait placé dans une situation économique grave ni qu'elle aurait nui aux autres souscripteurs.

L'assureur ne pouvait modifier de manière unilatérale l'offre de supports afin de priver d'une grande partie de son intérêt le jeu de la clause d'arbitrage à cours connu et de limiter ses coûts. Il a commis un abus dans l'exercice de la faculté contractuelle lui permettant de fixer unilatéralement la liste des supports éligibles à l'arbitrage. Il a été condamné à verser à l’assuré des dommages-intérêts.

Cass. civ. 12 janvier 2017, n° 15-27908

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